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Constant Mutamba aux portes de Makala, la justice demande sa tête
Le ciel s’assombrit au-dessus du ministère de la Justice. Constant Mutamba, ministre d’État et Garde des Sceaux est désormais formellement dans le collimateur de la justice. Hier lundi, le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, a saisi l’Assemblée nationale pour solliciter l’autorisation d’engager des poursuites judiciaires contre l’un des hommes les plus en vue du gouvernement Suminwa.
Devant les députés réunis en plénière, le rapporteur de la Chambre basse du Parlement a lu un réquisitoire particulièrement accablant. Constant Mutamba est soupçonné d’avoir détourné des fonds publics initialement destinés à l’indemnisation des victimes de la guerre des Six Jours à Kisangani, un conflit sanglant ayant opposé les armées rwandaises et ougandaises en juin 2000, dont les séquelles sont encore vives dans la mémoire collective.
Mais au-delà des soupçons, ce sont les éléments avancés par le Procureur général qui frappent par leur précision. Selon Firmin Mvonde, les deux auditions auxquelles Mutamba s’est soumis n’ont pas permis d’écarter les accusations. Bien au contraire, elles les auraient consolidées.
«Les explications du ministre de la Justice n’ont apporté aucun élément de nature à infirmer les faits mis à sa charge», affirme Firmin Mvonde dans son acte d’accusation.
Zion Construction
À l’origine de cette affaire, Zion Construction SARL. Créée à peine un an plus tôt avec un capital social de 5 000 dollars, sans personnel, ni siège opérationnel connu, cette entreprise est pourtant l’heureuse bénéficiaire d’un contrat public de 29 millions de dollars pour la construction d’une prison de 3 000 places à Kisangani. Aux yeux du procureur, il ne fait plus aucun doute : «cette société n’est qu’une façade, un instrument destiné à siphonner des fonds publics».
Les enquêteurs ont fouillé, interrogé, croisé les données. Aucune trace d’un chantier à Kisangani. Aucun site identifié. Aucun employé visible. Et surtout, aucune présence du ministre Mutamba sur place, lui qui soutenait pourtant que «le site restait à identifier». Le PG de la Cour de cassation note avec gravité que l’attitude du ministre témoigne d’«une volonté manifeste de détourner les deniers publics».
Il y a à peine quelques mois, Constant Mutamba incarnait, aux yeux de ses partisans, le renouveau d’une justice plus ferme, plus éthique. Il se présentait comme un gardien de la morale publique, allant jusqu’à se pointer au ministère avec un chien de garde en laisse une mise en scène qu’il assumait fièrement : «L’image du chien, c’est la rigueur, la discipline, la sanction. Tout détourneur aura le chien devant lui».
Mutamba aujourd’hui traqué
Aujourd’hui, c’est lui qui est traqué. Ironie du sort ! La justice qu’il prétendait guérir de sa maladie (corruption, iniquité…) pourrait être celle qui lui passera les menottes, si les griefs qu'on lui reproche se confirmaient.
La métamorphose est brutale. De pourfendeur du mal, Constant Mutamba est devenu l’homme à abattre dans une affaire qui s’enlise. À deux reprises déjà, il a été convoqué par le parquet général près la Cour de cassation. Ses explications, selon Firmin Mvonde, «n’ont en rien infirmé les charges, au contraire, elles ont consolidé les soupçons».
Une troisième convocation ignorée
Hier lundi 9 juin, pour la troisième fois, le ministre était attendu au parquet. Il ne s’y est pas présenté. À sa place, ses avocats. Le PG voit dans cette absence un signe de fuite, une posture d’esquive. Si Constant Mutamba ne comparaît pas jeudi, comme cela lui est encore permis, il risque un mandat d’amener.
Pendant ce temps, l’Assemblée nationale se prépare à trancher. Une commission spéciale a été formée pour auditionner le ministre et le procureur avant de soumettre à la plénière la levée de ses immunités parlementaires. Vital Kamerhe, président de l’Assemblée, veut aller vite : «Chaque groupe parlementaire doit désigner un membre pour siéger à la commission aujourd’hui même».
Ce n’est pas la première fois que la question du projet de la prison de Kisangani fait irruption au Parlement. Déjà, les députés Fontaine Mangala et Willy Mishiki avaient interpellé Mutamba, le soupçonnant d’avoir fait décaisser les fonds dans des conditions troubles. L’implication des ministres du Budget et des Finances a aussi été évoquée, même si ceux-ci affirment n’avoir autorisé aucun paiement.
Constant Mutamba, de son côté, se défend : il parle de fonds déposés sur un «compte séquestre», d’un «projet prioritaire pour désengorger les prisons dans l’Est», et assure que «rien n’a encore été dépensé». Mais ses mots ne convainquent plus.
Et comme un clou de plus enfoncé dans le cercueil de sa crédibilité, des documents fuités l’accusent d’avoir tenté de contourner les procédures en matière de passation de marchés publics.
Le ministre aurait agi sans aval de la Première ministre Judith Suminwa, en violation des procédures. La Direction générale du contrôle des marchés publics a d’ailleurs rejeté la demande de recours à la procédure de gré à gré, estimant que les conditions légales n’étaient pas réunies. Dans une correspondance datée du 8 mai, la cheffe du gouvernement a ordonné la suspension immédiate du projet, exigeant que tous les documents afférents soient transmis pour un réexamen approfondi.
Une affaire aux ramifications multiples
La Cellule nationale des renseignements financiers (Cenaref), dans une note adressée à la Première ministre, a signalé un transfert douteux de fonds publics au profit de Ziom Construction. Elle évoque un contournement manifeste des règles en vigueur.
L’affaire Mutamba fascine autant qu’elle indigne. L’homme qui criait à la corruption semble en avoir respiré l’odeur à pleins poumons. Le pouvoir, aujourd’hui, n’a plus le luxe du silence. La balle est dans le camp de l’Assemblée nationale. Et dans le regard du peuple congolais, qui attend que justice soit faite.
Reste désormais à savoir si la Chambre basse autorisera formellement les poursuites, ce qui ouvrirait la voie à une mise en examen en bonne et due forme. Pour l’heure, le Garde des sceaux est toujours en fonction, mais son avenir politique semble suspendu à une décision parlementaire qui pourrait bien signer la fin brutale de son ascension.
Ézéchiel Monteirious MONTEIRO