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Procès Bukanga-Lonzo : le verdict renvoyé au 20 mai
* Matata Ponyo et consorts restent suspendus à la balance de la justice.
Alors que la nation attendait le verdict tant annoncé du procès du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, la Cour constitutionnelle a choisi de repousser une fois de plus sa décision. Selon l’extrait de rôle, la sentence sera finalement rendue le mardi 20 mai prochain. Une nouvelle attente qui prolonge l’incertitude autour du sort judiciaire de l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo et de ses co-accusés.
Il fallait s’y attendre, peut-être. Ou peut-être pas. Hier mercredi 14 mai n’aura finalement pas été le jour de vérité tant espéré dans le feuilleton judiciaire le plus emblématique de la République démocratique du Congo ces dernières années. Le procès de Bukanga-Lonzo, entamé il y a plus de trois ans et centré sur le détournement présumé de 285 millions de dollars du Trésor public, connaît un nouveau rebondissement. La Cour constitutionnelle, qui devait se prononcer hier mercredi, a renvoyé son verdict. Une fumée blanche que beaucoup attendaient s’est dissipée dans le ciel incertain de la justice congolaise.
Une impasse parmi les juges constitutionnels
La raison de ce report ? D’après des sources proches du dossier, c’est suite à une impasse parmi les juges constitutionnels. En effet, depuis mardi jusqu’à hier mercredi, les robes noires semblaient peiner à accorder leurs violons sur la peine à infliger à l’accusé principal en l’occurrence, Augustin Matata Ponyo Mapon. L’ancien Premier ministre, aujourd’hui député national, est poursuivi pour avoir, selon le ministère public, orchestré ou toléré des malversations financières ayant conduit à la débâcle du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo.
Un projet titanesque, censé incarner le rêve d’autosuffisance alimentaire et de développement rural, transformé en cauchemar financier. Initié sous le gouvernement Matata, il devait faire rayonner la RDC dans le secteur agricole. À la place, les inspecteurs de l’IGF ont découvert un gouffre à milliards de francs congolais, des infrastructures fantômes, et des soupçons de surfacturation, au point même d’être qualifié d’un scandale d’État.
Il y a trois semaines le PG a requis 10 ans
Il y a trois semaines, le 23 avril, le procureur général près la Cour constitutionnelle a requis dix ans de travaux forcés, dix ans de servitude pénale et dix ans d’inéligibilité contre Matata Ponyo, le qualifiant d’architecte exclusif d’un projet de 280 millions de dollars qui s’est effondré dans une opacité financière quasi totale.
L’arrestation immédiate de l’ancien Premier ministre a même été ordonnée séance tenante. Ses coaccusés, Déogratias Mutombo, ancien gouverneur de la Banque centrale, et le Sud-Africain Christo Grobler Stephanus, n’ont pas été épargnés par les réquisitions. Le parquet a requis cinq ans d’inéligibilité pour le premier, expulsion définitive du territoire congolais pour le second.
Jugement par défaut
Pourtant, aucun des trois prévenus n’était présent à l’audience. Matata Ponyo, fort de son statut de député national, s’est appuyé sur l’article 107 de la Constitution pour refuser de comparaître. Il invoquait l’absence d’autorisation formelle de la chambre basse du Parlement. Son conseil avait contesté la légitimité de la procédure. À leurs yeux, cela constitue une violation flagrante de ses immunités parlementaires. Quant aux autres, ils ont évoqué des raisons d’ordre médicales.
Mais la Cour est restée de marbre. «Il n’existe aucune disposition légale permettant à l’Assemblée nationale d’injonction à la Cour constitutionnelle», a rétorqué Dieudonné Kamuleta. Selon lui, aucun acte officiel n’a été pris par l’institution législative pour suspendre la procédure. La Cour, s’appuyant sur l’article 151 de la Constitution et sur le caractère délictueux des faits reprochés, s’est estimée compétente pour juger, même en l’absence des prévenus.
Le Collectif C50 dénonce
À l’Assemblée nationale, les tensions sont vives. Lors de la plénière du 12 mai,le Collectif C50, regroupant plus de 100 députés, réclame à cor et à cri l’adoption d’un projet de résolution destiné à protéger les immunités de leur collègue Matata Ponyo. «Le bureau de l’Assemblée doit cesser de faire la sourde oreille», a martelé le député Alfred Dibandi Nzondomyo, déplorant que la résolution ait été écartée de l’ordre du jour malgré un large soutien.
Son appel a été renforcé par l’intervention de Christian Mwando Nsimba, élu de Moba, qui a dénoncé la confusion entre les démarches personnelles du président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe qui tente d’obtenir un compromis avec le président de la Cour constitutionnelle Dieudonné Kamuleta et les actes officiels que l’institution devrait poser. «Il est inadmissible que la représentation nationale reste spectatrice pendant que la Cour poursuit ses travaux sans tenir compte des immunités parlementaires», a-t-il lancé.
Kamerhe veut rencontrer Kamuleta
Le président de la Chambre basse, Vital Kamerhe, persiste dans sa volonté de dialoguer avec la Cour. Il estime que seule une rencontre directe avec Kamuleta pourra éclaircir les contours juridiques d’une procédure jugée précipitée et constitutionnellement discutable.
Depuis le 25 octobre 2021, ce feuilleton judiciaire n’en finit pas de rebondir. D’abord freinée par des querelles de compétence entre la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation, la procédure n’a véritablement pris son envol qu’après les élections générales de 2023, auxquelles Matata Ponyo avait participé en tant que candidat présidentiel.
Un dossier miné par des dimensions politiques et juridiques
Pendant ce temps, à la Cour constitutionnelle, les juges poursuivent leurs conciliabules. Ils doivent trancher ce 20 mai dans un dossier miné, où les dimensions politiques et juridiques s’enchevêtrent. Par la même occasion, elle dira si elle peut définitivement clore ce chapitre ou si un autre épisode s’ajoutera encore à une saga judiciaire devenue emblématique de l’ère post-Kabila.
En attendant, Augustin Matata Ponyo reste dans la tourmente, suspendu entre l’épée de Damoclès judiciaire et le bouclier politique que tentent de lui offrir certains de ses pairs parlementaires.
Christian-Timothée MAMPUYA