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Dieudonné Bifumanu: « L’Etat doit justifier sa décision et tenir compte des conséquences »
A l’issue de sa réunion du Conseil des ministres du vendredi 8 juillet, le Gouvernement congolais avait décidé de la suppression de quatorze prélèvements fiscaux et de rabattre le taux pour vingt autres taxes à l’importation comme à l’exportation. Une mesure que l’Exécutif considère comme une réponse adaptée à l’urgence et à l’impératif d’améliorer le climat des affaires dans un contexte de crise multiforme due, notamment, aux effets de la pandémie de Covid-19 et aux répercussions néfastes du conflit armé russo-ukrainien.
Il s’avère, cependant, que cette mesure prise par le gouvernement ne soit pas du goût de certains experts en la matière.
C’est donc dans ce cadre que Forum des As s’est entretenu avec M. Dieudonné Bifumanu, chercheur dans le domaine de la fiscalité. L’entretien a essentiellement porté sur les implications pratiques de cette décision. Interview.
Forum des As: Le Gouvernement de la République a décidé le vendredi 8 juillet finissant, de supprimer 14 prélèvements fiscaux (taxes) et de baisser le taux de 20 autres perceptions dans l’optique de rendre l’économie du pays compétitive et attractive. Chercheur dans le domaine de la fiscalité, quelle lecture faites-vous de cette décision ?
Dieudonné Bifumanu : C’est parce qu’on est dans un pays où on n’aime pas la réflexion approfondie. Dans plusieurs de mes interventions à la télévision, j’ai toujours répété cela. Il faut faire des réflexions profondes. On ne prend pas de mesures pour le simple plaisir de les prendre. C’est comme dit Jean Lamarck, le naturaliste français la fonction crée l’organe. On ne peut pas d’abord créer l’organe puis chercher la fonction qu’il doit assumer. Donc, il ne faut pas d’abord créer le cœur puis chercher sa fonction.
DIFFERENCE ENTRE TAXE ET IMPÖT
Dans notre logique de formaliser les choses dans le domaine de la parafiscalité et non la fiscalité pure, il faut d’abord avoir un besoin. Lorsque l’Etat constate que dans un endroit donné il y a beaucoup d’argent qui entre et que l’Etat peut faire un prélèvement, alors l’Etat crée la taxe. La taxe, c’est par rapport à un service que l’Etat rend à la population. C’est là toute la différence avec l’impôt. Le percepteur d’impôt demande à l’assujetti de payer à la caisse de l’Etat et ce dernier n’a pas à se poser de questions sur ce que l’Etat fera de cet argent. Mais pour la taxe, c’est que l’Etat vous a rendu un service qui peut être gratuit ou payant. C’est quand le service est payant qu’on parle de la taxe. C’est donnant-donnant.
A la création de ces taxes, a-t-on bien réfléchi sur la nécessité de l’existence du service, selon la nomenclature reconnue par la loi. Il y a des taxes qui peuvent être créées par le Gouvernement central, par le gouvernement provincial comme il y a aussi des taxes qui peuvent être créées par la commune. Cela dépend du degré de compétence reconnue.
Mais lorsqu’après un certain temps, l’Etat décide de supprimer ces taxes, il faudra procéder aussi par la même réflexion inverse. L’Etat annule alors le service qu’il rendait à la population ou il va continuer à rendre ce même service mais gratuitement. C’est là, toute la problématique. Mais si la population se plaint du taux élevé de taxe, cela devra aussi procéder du fruit de la réflexion.
LA TVA N’EST PAS UNE TAXE MAIS UN IMPÔT
Sur cette liste des taxes, l’Etat a éliminé la TVA sur la commission. La TVA, même si on l’appelle taxe, mais dans sa structure intrinsèque, on l’appelle impôt. Et la TVA a été créée par la loi, alors c’est en vertu de quoi le Gouvernement a décidé de supprimer la TVA instituée par la loi ? Sur le plan juridique, c’est une grosse erreur de conception. Cela prouve que même les experts qui ont proposé ce texte entretiennent la confusion entre la taxe normale et la TVA. Donc, à partir de ce fait réel, sur base de quoi l’Etat a supprimé les autres taxes ? Est-ce parce que ce sont des taxes improductives ou parce que la population les considère comme une tracasserie ? Parce que la population peut être malhonnête en faisant passer le paiement de ces taxes comme une tracasserie.
La logique aurait été de supprimer seulement quelques taxes. Mais tout compte fait, c’est à l’Etat de préciser les raisons de la suppression de ces perceptions fiscales inutiles ou elles constituent de la tracasserie. Est-ce qu’en amont, il y avait ce type de réflexion ? Quel manque à gagner que cette suppression produit ? C’est un non-sens pour l’Etat de perdre tout cet argent. Même dans la logique de la révision à la baisse du taux de ces taxes, l’Etat doit se demander si c’est à cause du caractère excessif du taux des taxes à payer ou s’il veut aider la population à améliorer son pouvoir d’achat. En le faisant, l’Etat aurait-il augmenté le pouvoir d’achat de la population ? Et, en contrepartie, par quoi l’Etat va remplacer cet argent qu’il collectait avec ces taxes ? Voilà le raisonnement que nous chercheurs, spécialistes dans ce domaine menons. Le Gouvernement a-t-il tenu ce raisonnement ? Si oui, bravo. Sinon, je regrette. En supprimant ces taxes, n’y a-t-il pas risque de minorer la capacité de mobiliser les ressources des régies financières ? C’est justement ce que j’ai démontré. Quand l’Etat supprime, il doit justifier pourquoi il supprime. Il faut aussi voir les conséquences de cette mesure. Par exemple, pour le carburant qui pouvait coûter 3 000FC. Si l’Etat devait laisser les compagnies pétrolières appliquer le taux normal, le carburant coûterait plus de 3 000FC. Ce qui aurait une conséquence néfaste sur le terrain. Mais en demandant aux compagnies de vendre à environ 25000 FC, l’Etat leur a assuré la subvention. Donc, l’Etat congolais a pris l’engagement de suppléer au manque à gagner.
Mais pour les taxes, en les supprimant, soit l’Etat n’a plus besoin de cet argent, soit il dispose d’autres ressources auxquelles recourir. Mais c’est une erreur que de supprimer les taxes pour le plaisir de les supprimer. C’est la raison pour laquelle notre pays vit toujours dans la misère. Car le pays en général, les entités territoriales décentralisées en particulier, n’ont pas de moyens pour satisfaire tous leurs besoins. Donc, on vit déjà dans la pauvreté. Mais au lieu de chercher des voies et moyens d’augmenter les revenus, l’Etat continue à dissoudre les moyens disponibles. Donc, la réflexion devrait primer en amont pour atteindre les résultats.
En conclusion, que l’Etat ait pris cette décision pour rendre l’économie congolaise plus compétitive et attractive pour attirer plus d’investissements congolais et étrangers, le chercheur Dieudonné Bifumanu campe sur sa logique : est-ce que l’Etat avait dû mener une telle réflexion de façon approfondie en créant ces taxes ? L’a-t-il fait également en décidant de les supprimer?
Auteur de plusieurs ouvrages dans ce domaine (La faiblesse du système fiscal de la RDC comme la cause la plus importante du sous-développement du pays (2018), La spiritualité de l’impôt (2009), les réformes fiscales actuelles en RDC : la remise en question (2006), Dieudonné Bifumanu Nsompi est chercheur, membre du Conseil d’administration de l’Université Kongo, doctorant en droit de l’Université de Kinshasa. Il est juriste, fiscaliste et auditeur interne. Propos recueillis par Kléber KUNGU