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À LA SUITE DU REQUISITOIRE DU PGR MVONDE : Mutamba rattrapé par l'odeur du détournement qu'il dénonçait hier encore
*" Tu quoque Constant ! ", la justice rattrape son propre ministre.
Coup de tonnerre sur la scène politique congolaise! Hier mercredi 21 mai, à la plénière de l'Assemblée nationale, le président de la chambre basse, Vital Kamerhe, a révélé avoir reçu du Procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, un réquisitoire sollicitant la levée des immunités parlementaires, en vue de l'ouverture d'une instruction judiciaire contre le ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba, pour détournement présumé de fonds publics, estimés à 39 millions de dollars, alloués à la construction d'un complexe pénitentiaire à Kisangani, dans la province de la Tshopo.
Kisangani n'aura peut-être jamais sa prison modèle. Du moins, pas tout de suite. L'affaire a pris une tournure à la fois rocambolesque et tragique, où l'arôme de la vertu s'est vite évaporé, laissant place à l'odeur âcre de la suspicion.
Constant Mutamba, ministre de la Justice, lui qui, à peine entré au gouvernement, promettait de faire mordre la poussière aux détourneurs de deniers publics, se retrouve aujourd'hui face à un boomerang judiciaire, lancé depuis la Cour de cassation. Comme un clin d'œil cruel du destin, le chantre autoproclamé de la rigueur est aujourd'hui éclaboussé par ce qu'il exécrait détournement de fonds publics.
Sur les réseaux sociaux, à la télévision où à la Radio…L'affaire est sur toutes les lèvres, comme un parfum de scandale qui refuse de s'évaporer. Le nom de Constant Mutamba, jusque-là associé à une image inflexible de justicier intransigeant, s'écrit désormais à l'encre des soupçons.
Absence de procédures légales
Le document du Procureur, lu en plénière par le rapporteur Jacques Djoli, parle de marchés conclus en l'absence de procédures légales, d'une société sans expérience, sans personnel qualifié, et sans documents fiscaux valables.
Ce document pointe aussi une série d'irrégularités manifestes entre autres, l'absence de procédure transparente, l'absence d'approbation de la Première ministre, manquements aux exigences de la loi sur les marchés publics.
La chute est brutale. Celui que l'on avait presque sanctifié comme chevalier anti-corruption est accusé d'avoir attribué de gré à gré ce marché colossal à une société inconnue du grand public, Zion Construction Sarl, née seulement en mars 2024 avec un capital social de 5.000 dollars. Cette entreprise n'aurait ni personnel administratif, ni expérience prouvée, ni capacité technique identifiable.
Pourtant, elle a obtenu un marché public de gré à gré pour un montant de 29 millions de dollars sans passer par les procédures exigées par la loi.
Pire encore ! Selon la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF), 19 millions auraient déjà été virés sur son compte. Des fonds issus des réparations payées par l'Ouganda pour les victimes de la guerre de six jours à Kisangani.
Un marché de gré à gré
Les documents fuités dressent un tableau inquiétant. l'absence d'avis d'appel d'offres, défaut d'agrément de l'entreprise, non-respect de la TVA, coûts opaques : absence de justification légale du gré à gré.
À cela s'ajoute un rapport de la Direction générale du Contrôle des marchés publics, qui, dans une lettre sèche, rejette la requête d'autorisation spéciale, dénonçant une série de manquements graves et une tentative de détourner les règles.
Après avoir écouté le réquisitoire transmis par le parquet, le speaker de la chambre basse, Vital Kamerhe, a pris acte du document et annoncé la mise en place d'une commission spéciale. Ce n'est qu'à l'issue de cette procédure que la plénière décidera de lever ou non les immunités parlementaires du ministre d'État.
" Nous allons demander aux différents présidents des groupes parlementaires de nous désigner par écrit aujourd'hui même un membre du groupe qui fera partie de la Commission qui va auditionner le ministre d'État, ministre de la Justice après que le procureur général ait présenté son réquisitoire et ça vous reviendra maintenant en plénière pour autoriser l'instruction ", a annoncé Vital Kamerhe, président de l'Assemblée nationale.
Le choc est immense
Le choc est immense. Car, si les accusations sont lourdes, le nom de Mutamba les rend assourdissantes. Cet homme, qui, quelques mois plus tôt, haranguait les jeunes étudiants au Centre culturel et des arts d'Afrique centrale sur les "odeurs de détournement", se retrouve à sentir, selon le réquisitoire du procureur Firmin Mvonde, le souffle même de la corruption.
Il y a environ une année, il faisait une entrée remarquée dans le gouvernement Suminwa. Constant Mutamba, fraîchement nommé ministre d'État à la Justice, marchait fièrement, tirant un chien musclé à la chaîne, dans les couloirs du ministère. L'image, théâtrale à souhait, avait fait le tour des réseaux sociaux, tant elle frappait par sa symbolique.
L'homme expliquait, péremptoire, que la bête représentait la rigueur, la discipline, la sanction. Il n'y aurait désormais plus de place pour les détourneurs, assurait-il, avertissant que "tout celui qui va s'amuser à détourner les deniers publics de l'État aura le chien devant lui ", prévenait-t-il.
Mais aujourd'hui, le molosse semble avoir changé de direction. Le bruit du scandale enfle et vient heurter de plein fouet l'image de ce ministre qui se voulait le gendarme de la lutte anticorruption.
Suminwa sort de son silence
Judith Suminwa, justement, est sortie de son silence. Par la voix de son directeur de cabinet adjoint, elle a ordonné la suspension immédiate de la procédure. Dans une lettre datée du 8 mai, elle rappelle au ministre Mutamba l'impératif du respect de la législation en matière de marchés publics. Elle exige désormais la transmission de toutes les pièces du dossier pour un examen rigoureux. Dans cette République où les mots comme " transparence " et "redevabilité " sont souvent galvaudés, la Cheffe du gouvernement semble vouloir remettre de l'ordre.
L'affaire prend des proportions inattendues. Les députés Fontaine Mangala et Willy Mishiki avaient déjà interpellé Mutamba sur ce projet, bien avant l'intervention du parquet. Leurs questions, restées sans réponse claire, trouvent aujourd'hui un écho dans l'opinion publique, outrée.
Détournement en bande organisée
Le député Willy Mishiki avait aussi interpellé les ministres du Budget et des Finances. Il évoque un possible détournement en bande organisée, à travers une société-écran, créée dans des conditions opaques.
Face à ce tourbillon, Mutamba tente de sauver les apparences. Il affirme, dans une interview accordée il y a quelques jours à RFI, que les fonds évoqués sont bloqués sur un compte séquestre et que le projet n'a pas encore reçu l'aval final de la primature. Pour lui, ce projet de 29 millions de dollars est un chantier d'urgence nationale, censé désengorger les prisons surpeuplées du pays, particulièrement dans les provinces orientales.
Tu quoque Mutamba ?
Et l'histoire, cruelle et ironique, convoque les mots de Jules César, trahi par Brutus : " Tu quoque, Mutamba ? " Toi aussi, Mutamba ? Toi, le héraut de l'intégrité, cité dans une affaire aussi sordide ?
Le destin de ce jeune ministre, jadis prometteur, se joue peut-être dans les jours qui viennent. L'Assemblée nationale décidera-t-elle de lui retirer son immunité parlementaire ? La justice pourra-t-elle instruire ce dossier dans un climat apaisé?
Et surtout, les Congolais auront-ils enfin droit à la vérité dans ce feuilleton où la morale semble chaque jour un peu plus piétinée ? Dans ce tumulte, une chose est certaine : la justice, si elle veut guérir des maux qui la rongent, devra d'abord regarder en son propre sein.
Christian-Timothée MAMPUYA