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Cas Kazadi: on ne bâillonne pas un député
*Visé pour avoir dénoncé des dérives budgétaires, l’élu de Miabi devient le symbole d’une démocratie sous tension.
Le Procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, a officiellement demandé à l’Assemblée nationale l’autorisation d’ouvrir une instruction judiciaire contre le député national et ancien ministre des Finances, Nicolas Kazadi. Le réquisitoire a été lu en plénière le jeudi 29 mai par Jacques Djoli, rapporteur de l’Assemblée nationale. Les accusations portent sur la propagation de faux bruits et la divulgation de secrets d’État. Aucun détournement de fonds n’est évoqué, contrairement à ce que certains individus mal intentionnés ont laissé entendre.
À l’origine de cette procédure : une déclaration de Nicolas Kazadi lors d’une interview sur YouTube, animée par la journaliste Paulette Kimuntu. Il y dénonçait la création de 53 établissements publics durant le premier mandat du Président Félix Tshisekedi, sans aucune prévision budgétaire.
Il a également critiqué la gestion budgétaire : «L’argent du projet arrive, on se le partage d’abord et on va réfléchir plus tard. C’est ça, le problème.»
Face à ces propos, le procureur affirme vouloir entendre Kazadi pour qu’il présente sa version des faits. Une commission spéciale de l’Assemblée nationale est chargée d’étudier la demande et de rendre ses recommandations.
Pourtant, le député UDPS de Miabi soulevait une problématique d’ordre général, profondément ancrée dans les habitudes de gouvernance en RDC. Il ne visait pas un camp politique en particulier, encore moins un pouvoir dont il fait lui-même partie. Bien au contraire, ses propos s’inscrivaient dans une autocritique collective, exprimée à travers un «nous» inclusif, révélateur d’un malaise national.
Voici ce qu’il déclarait, dans un ton sans équivoque : «C’est la culture congolaise, nous aimons beaucoup la jouissance. Dès que l’argent est disponible, nous nous partageons d’abord, nous réfléchirons après. Nous nous donnons des salaires, nous nous distribuons des primes, et nous réfléchissons après.»
Il faisait alors explicitement référence — et il l’a précisé — à l’affaire des plus de 28 millions de dollars indûment perçus par les membres de la commission de renégociation du contrat chinois, sous forme de jetons de présence. Une opération menée sous la supervision directe de l’Inspecteur général des finances, Jules Alingete, en violation flagrante des règles en vigueur.
Liberté d’expression parlementaire : un droit fondamental
Dans toute démocratie, la liberté d’expression est un pilier essentiel. Elle l’est encore davantage pour les élus du peuple. Un député ne peut ni ne doit être inquiété pour avoir exprimé une opinion sur la gestion du pays. C’est non seulement son droit, mais aussi son devoir.
Sanctionner un député pour s’être exprimé sur un sujet donné, c’est museler le débat public. Pourtant, le rôle du parlementaire n’est pas de plaire au pouvoir, mais de questionner, proposer, dénoncer si nécessaire. La pluralité des opinions renforce la démocratie, elle ne l’affaiblit pas.
L’accusation de «fausses nouvelles», un outil répressif
La résurgence de l’accusation de propagation de fausses nouvelles dans le discours judiciaire est inquiétante. Sous couvert de préserver l’ordre, elle devient une arme de dissuasion contre la liberté d’expression. Le risque est immense : confier au pouvoir judiciaire le soin de définir ce qui est vrai ou faux, c’est ouvrir la porte à l’arbitraire.
Dans un État de droit, la réponse à une information erronée ne peut être la prison. Elle doit être le débat public, la vérification des faits, la transparence. Ce n’est pas à la justice ou un service de renseignement de décider ce qui peut être dit ou non. C’est à la société, par ses mécanismes démocratiques, de trancher.
Punir l’expression, même maladroite ou choquante, c’est infantiliser les citoyens. La démocratie repose sur la confiance dans la capacité du peuple à juger, pas sur la censure préventive.
Divulgation de secrets d’État : où s’arrête le devoir de réserve, où commence le droit à la vérité ?
De même, dans une démocratie, les notions de transparence, de responsabilité et de droit à l’information sont centrales. Lorsqu’un acteur politique alerte sur des pratiques abusives, il rend souvent service à la nation. D’autant que, en suivant très bien l’interview de M. Kazadi, il n’a divulgué aucun secret d’Etat touchant à la sécurité nationale ou à la diplomatie du pays. Il n’a évoqué que des faits qui sont connus de l’opinion publique.
Réprimer un député pour avoir parlé, c’est nier sa fonction politique. Il n’est pas un simple fonctionnaire lié au devoir de silence, mais un représentant du peuple investi d’une mission de vérité.
Conclusion : défendre
la démocratie, c’est défendre la parole libre
Une démocratie véritable n’a rien à craindre de la critique. Elle s’en nourrit. Elle se renforce dans la confrontation des idées, y compris les plus dérangeantes.
Poursuivre Nicolas Kazadi pour avoir exprimé une opinion sur la gestion des affaires publiques, c’est envoyer un signal dangereux : celui d’un régime qui ne tolère pas la contradiction. C’est un recul. Car la démocratie ne disparaît pas toujours sous les coups d’État. Parfois, elle meurt lentement, étouffée sous les procédures, les accusations vagues et les interprétations biaisées des lois.
Défendre la liberté d’expression, surtout lorsqu’elle dérange, c’est défendre le cœur même de la démocratie.
Les députés sont aujourd’hui placés devant un tournant historique. Ont-ils conscience que livrer l’un des leurs à la justice pour avoir simplement pris la parole sur la gestion du pays, c’est ouvrir une brèche dangereuse ? En acceptant ce précédent, ils fragiliseraient leur propre liberté de parole — car demain, c’est à eux que cette logique pourrait être appliquée. Défendre l’un des leurs aujourd’hui, ce n’est pas protéger un individu : c’est protéger l’institution parlementaire dans ce qu’elle a de plus fondamental — sa liberté de s’exprimer sans crainte.
Me Cornelius TEMBI na MO, Juriste, spécialiste des droits de l’homme